[critique] Sherlock Holmes vs Conan Doyle : du rififi au 221B !

Sherlock Holmes s’ennuie et Ophélie Raymond s’amuse à imaginer les relations tendues qu’il entretient avec son auteur. Une pièce piquante et drôle, servie par des comédiens alertes et doués, à découvrir aux Enfants du Paradis.

Dans Le Mystère de la création artistique, Stefan Zweig rapporte que Balzac accueillit un jour un visiteur dans un état de grande émotion : « Rendez-vous compte, lui dit-il, la duchesse de Langeais vient de mourir. » Si la coquette fut docile à trépasser, Sherlock l’est beaucoup moins : il refuse qu’Arthur Conan Doyle ait l’audace de vouloir se débarrasser de sa créature alimentaire et trop encombrante. Il décide donc de quitter la fiction pour intervenir dans la réalité et empêcher son auteur de mettre un terme à ses aventures.

L’anti-Pygmalion

Ophélie Raymond a écrit une pièce pleine d’esprit qui ravira tous les fans de Sherlock Holmes tant elle se plaît à émailler sa fantaisie d’éléments empruntés aux enquêtes du célèbre violoniste cocaïnomane. Renato Ribeiro met en scène cette révolte de la créature contre son créateur avec autant d’élégance que de rythme. Serge Requet Barville (Arthur Conan Doyle) et Delphine Husté ou Valentine Riedinger (Louisa Doyle) sont à jardin ; François Hatt (Sherlock Holmes) et Maxime Bregowy ou Christophe Som (John Watson) sont à cour. Entre le bureau de l’écrivain et l’antre du 221B Baker Street, un cadre sert de frontière, que les êtres de fiction traversent aussi allègrement qu’Alice le miroir du salon !

La vraie vie, c’est la littérature

Ophélie Raymond reprend le thème de la confrontation entre le célèbre détective et son auteur qui était au centre du court-métrage The Final Problem, qui lui a valu le prix du scénario au Screen Power Film Festival de Londres. Si le duel est amusant, les atermoiements de l’auteur et ses démêlés conjugaux offrent à la pièce une profondeur plus grave. Les comédiens sont tous au taquet et la mise en scène est au cordeau. Comme le malicieux Michel Zink avec son Arsène Lupin et le mystère d’Arsonval (excellente lecture d’été), Ophélie Raymond et Renato Ribeiro font revivre Sherlock Holmes. N’en déplaise à Arthur Conan Doyle, « la seule vie réellement vécue, c'est la littérature » : Proust dixit !

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