La Collection [critique] : Dissection du mensonge

Ludovic Lagarde met en scène La Collection dans le cadre du cycle Harold Pinter qu’organise le théâtre de l’Atelier. Quatre excellents comédiens nouent et dénouent les rets du simulacre et de la trahison.
James vit avec Stella à jardin, dans un appartement de Chelsea à la décoration épurée. Harry est avec Bill à cour, dans une villa de Belgravia. Pas grand chose de commun entre les deux couples, sinon que Stella et Bill travaillent dans la mode et qu’ils ont passé la nuit ensemble lors d’un voyage d’affaires qui a tout d’une love affair ! Voilà ce que soupçonne James, qui cherche à démêler le vrai du faux, entre l’hystérie manipulatrice de sa femme et la perversion amusée de Bill. Ce qui pourrait être vite réglé, si les mots étaient clairs et les intentions limpides, prend peu à peu des allures de souricière.
Chats et souris
Fantasme, moquerie, mépris, avidité, le tout sur fond de nonchalance feinte et de bonne éducation : on ne sait bientôt plus qui est bourreau et qui est victime. Les masques (à l’instar de celui que porte Harry dès le début de la pièce) ont remplacé les visages. Les remarques fielleuses émaillent ce sadique règlement de comptes. Les personnages semblent à ce point s’ennuyer à vivre qu’ils perdent leur temps à se déchirer. Quand on ne sait pas dire à l’autre qu’on l’aime, on vérifie s’il n’aime pas ailleurs. Bill a-t-il couché avec Stella ? Qui le dira ? Qu’est-ce que trahir ? Qui peut savoir ?
Serpents et vautours
Mathieu Amalric, Valérie Dashwood, Micha Lescot et Laurent Poitrenaux excellent à être odieux. La mise en scène feutrée de Ludovic Lagarde n’offre aucune issue éthique à l’intrigue. Tous les personnages sont également détestables, à force de soupçon, de peur rentrée, de provocation stérile et de lassitude bienséante. On les voudrait explosifs pour que perce l’abcès ; ils sont comme des reptiles glaçants, trop polis pour être honnêtes, trop malhonnêtes pour être aimables. Comédie de la menace ou tragédie de l’absurde : la pièce de Pinter ouvre des abîmes terrifiants sous les pas de héros misérablement ordinaires, que les quatre comédiens interprètent avec une maîtrise et un talent impressionnants. Le théâtre devient alors le lieu fascinant de l’échec du langage.
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