Les Filles aux mains jaunes [critique] : Allez, les filles !

Michel Bellier rend hommage aux victimes de l’effort de guerre et à celles qui le surmontèrent pour s’émanciper. Johanna Boyé met en scène son texte vibrant, servi par quatre comédiennes d’exception.
La Première Guerre mondiale fut décisive dans les combats des femmes pour l’égalité des droits. Dès leur recrutement dans les usines d’armement, la question de la justice salariale se posa : si la femme peut travailler comme une bête, elle mérite d’être payée comme un homme. Michel Bellier imagine la rencontre entre quatre obusettes, esclaves d’une industrie qui tue celles qui fabriquent la mort. Les mains jaunies par la poudre de TNT (également tératogène, tant pis pour la descendance !), elles comprennent progressivement l’évidence : chair à canon, chair à patron, même combat !
Nous ne sommes rien, soyons toutes !
Julie, Rose et Jeanne n’ont ni le même âge, ni la même histoire, ni les mêmes rêves. Mais elles doivent travailler à la place de ceux qu’elles relèvent en les attendant. Arrive Louise, journaliste et suffragiste militante, établie en usine pour enquêter sur les conditions de travail de ses semblables, et décidée à semer la résistance et la grève sur le terreau de la surveillance et de la répression. L’opiniâtre libertaire réussit à convaincre ses compagnes d’infortune de la nécessité de la lutte. Le texte de Michel Bellier sonne comme un ardent rappel pour le triste aujourd’hui : seule la solidarité permet de vaincre l’injustice.
Ne me libère pas, je m’en charge !
La mise en scène de Johanna Boyé, parfaitement rythmée et ultra fluide, tire un remarquable parti de la création sonore de Mehdi Bourayou et des lumières de Cyril Manetta. La scénographie d’Olivier Prost est un parfait écrin pour le jeu et la danse (chorégraphies de Johan Nus). Les quatre comédiennes (Brigitte Faure, Anna Mihalcea, Pamela Ravassard et Elisabeth Ventura) sont extraordinaires de force, de finesse, de justesse. Avec un talent et un abattage sidérants, elles suggèrent la complexité morale et l’évolution psychologique de leurs personnages, leurs espoirs et leurs doutes, leurs douleurs et leurs joies, leur courage et leur fierté. Fièvre camarade et ferveur sororale : vive ces filles-là !
Les Filles aux mains jaunes au Théâtre Rive Gauche jusqu'au 30 décembre 2022 : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles
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