Lorsque l’enfant paraît [critique] : Fau, Frot, faute et frottis…
Michel Fau met en scène au Théâtre de la Michodière le diamant étincelant avec lequel André Roussin raie l’ordre bourgeois et raille ses accommodements avec le ciel. Savoureuse redécouverte d’un pétillant classique.
La bourgeoisie ordonne la société selon une distinction simple : la peine aux autres et le confort des bénéfices pour elle-même. Tout ce qui libère est réservé à ceux qui en ont les moyens : l’oisiveté, le plaisir et le détachement matériel. Charles Jacquet, sous-secrétaire d’Etat à la famille, est de ceux qui légifèrent pour priver les autres de ce dont il jouit. On ferme les maisons closes quand on a des maîtresses ; on punit le délit d’avortement en croyant sa famille à l’abri de ce recours ; on attend patiemment la succession quand on a toujours prospéré entre rentes et dot.
La paille et la poutre
Mais, patatras ! Madame Jacquet est enceinte, à l’âge où Sarah accoucha d’Isaac, et Monsieur Jacquet père (excellent Maxime Lombard) décide que les pauvres seront les héritiers du royaume : sa fortune ira directement à ses petits-enfants. Mais Jacquet rechigne à considérer cette double peine comme une bénédiction… D’autant que, les emmerdes volant toujours en escadrille, Jacquet découvre que son fils est l’amant de sa secrétaire, que sa fille a découvert les joies du mariage avant ses devoirs, et que même la bonne est enceinte. Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris chez Victor Hugo, mais chez les Jacquet, les cris sont moins joyeux.
La graine et ses leçons
Michel Fau installe ses comédiens dans une bonbonnière bleue, rouge et or (beau travail de complémentarité chromatique de Citronelle Dufay, aux décors, et de David Belugou, aux costumes). Les sept comédiens servent avec talent la verve acide d’André Roussin, brillant observateur et fin brocardeur des mœurs bourgeoises. Catherine Frot est divine dans le rôle d’Olympe Jacquet ; Michel Fau est excellent en tartufe pragmatique que la situation rend intelligent. Mesurés dans leurs éclats, tout en étant très drôles, les deux comédiens réussissent à donner de la gravité à la farce et une belle profondeur à cette pièce pétulante, pétrie d’un sympathique humanisme.
Lorsque l'enfant paraît au Théâtre de la Michodière jusqu'au 31 décembre : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles
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