Make up au Studio Marigny [critique] : se taire pour mieux dire

Après les beaux succès de ses précédents spectacles sans paroles, Mathilda May continue d’explorer avec talent la veine clownesque d’un théâtre comique et tendre, absurde et déjanté.
« Du mécanique plaqué sur du vivant » : la formule de Bergson pour définir le comique est célèbre. Reste à la comprendre. Pour qui veut s’épargner le pensum philosophique, le dernier spectacle de Mathilda May est un excellent substitut ! Comme dans ses œuvres précédentes, dont onomatopées et gestes constituent le seul langage, l’absurde perce sous l’anodin et la drôlerie naît du décalage entre les corps et les esprits, les premiers signifiant davantage que ne le pourraient les mots. En un savant dosage entre clown traditionnel, commedia dell’arte et esthétique du désastre, Mathilda May, à l’instar de Chaplin ou Tati, fait naître ensemble rire et poésie, sublime et grotesque.
Agenceurs du chaos
Les comédiens ne parlent pas mais se font aisément comprendre, grâce à l’inventivité et à l’agilité de leur jeu. Arnaud Maillard, Marc Maurille, Patrick Mazet, Yannik Mazzilli, Dedeine Volk-Léonovitch et Anouk Viale, éblouissants, font évoluer l’intrigue et l’épaisseur psychologique de leurs personnages avec une dextérité diabolique. On assiste à une journée de tournage dans un car-loge de cinéma. La maquilleuse et le coiffeur accueillent les comédiens et le réalisateur survolté : on répète, on endosse des costumes loufoques, on se fait poser un œil crevé, on s’endort, on s’engueule et on s’aime…
Poètes du désordre
La bande de doux dingues s’en donne à cœur joie ! Ils mettent les pieds dans le plat, se prennent les pieds dans le tapis et glissent sur la neige qui tombe obstinément derrière les vitres, menaçant d’envahir la loge à chaque ouverture de porte. Les règles de la bienséance affrontent les lois de la préséance et tous les affects traversent cet huis clos : tendresse, colère, jalousie, désespoir, amitié, admiration. Loin de seulement dévoiler les coulisses du cinéma, Mathilda May, intelligente et subtile, offre une exquise méditation sur les affres de la condition humaine, la fragilité des engagements, le temps qui passe et l’amour qui s’obstine effrontément.
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