Mata Hari ou la justice des hommes : Coupable, forcément coupable !
Plus d’un siècle après sa mort, Mata Hari fascine toujours. Delphine Piard met en scène le texte écrit par Marc Fayet qui raconte le destin de la sulfureuse espionne, fantasme et jouet des hommes.
Sorcières ou faiseuses d’anges, Jeanne d’Arc ou Louise Michel, elles sont toujours jugées par des hommes. Les mâles détestent que les femmes se haussent au-dessus de la condition que leur assigne leur sexe, dont ils entendent jouir en exclusifs propriétaires. La Vierge rouge l’asséna à ses juges en 1871 : « Vous êtes des hommes, qui allez me juger ; vous êtes devant moi à visage découvert ; vous êtes des hommes et moi je ne suis qu’une femme, et pourtant je vous regarde en face. Je sais bien que tout ce que je pourrai vous dire ne changera rien a votre sentence. » Mata Hari, « la bochesse », accusé d’avoir vendu des secrets militaires à l’Allemagne, aurait pu dire la même chose : elle mourut fusillée, le front haut et les yeux ouverts.
Vivre couchée, mourir debout
Marc Fayet situe le début de son texte quelques mois avant l’exécution d’octobre 1917, alors que Mata Hari est extraite de sa cellule pour être interrogée par le capitaine Bouchardon, avant son procès pour intelligence avec l’ennemi. Les questions de l’officier scandent la mise en scène et permettent de faire renaître les douze années pendant lesquelles la langoureuse intrigante devint la coqueluche du Tout-Paris, après avoir vampé la canaille à rosette et à galons grâce à un numéro d’effeuillage sous prétexte de danse orientale.
L’œil du jour toujours regardera Caïn !
Ariane Mourier est remarquablement crédible en innocente jouant de ses charmes, étonnée de plaire aux hommes et plus étonnée encore qu’ils s’en plaignent. Olivier Claverie, Bruno Paviot et Maud Le Guenedal lui donnent la réplique avec talent. La France aurait vu d’un très bon œil que celui du jour (puisque tel était son surnom malais) trahisse gratis : mais elle en fit commerce. Qui tua-t-on dans les fossés de la forteresse de Vincennes ? Un espionne ou une femme au cul international, comme railla Arletty à la fin de la guerre suivante ? Le spectacle de Marc Fayet et Delphine Piard réhabilite la victime de la misogynie veule et perverse.
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