Sur la tête des enfants ! [critique] : Le démon de midi en bon petit diable
Salomé Lelouch a écrit une délicieuse comédie à l’aimable tonalité feel good. Marie Gillain et Pascal Elbé y excellent en quadras bourrelés de remords et pétris de mauvaise foi. Charmant !
Plus tout à fait perdreaux de l’année, mais pas encore prêts à se ranger des voitures, Alban et Julie ont de beaux restes. Ils aimeraient en vérifier l’attrait, même s’ils sont heureux et forment une famille recomposée harmonieuse avec leurs enfants respectifs. Ils ne se sont jurés fidélité que pour dix ans, histoire de parier sur l’avenir sans complètement l’hypothéquer… Arrive la fin du bail. Avant de rempiler, chacun fomente une petite récréation adultérine. Mais ils s’empêtrent dans les mensonges et sont asservis à leur serment. Pourquoi un tel scrupule ? Parce qu’ils ont juré « sur la tête des enfants ». Inviolable !
En clown et en ethnologue
Salomé Lelouch fait œuvre de fantaisiste avec cette pièce enlevée et spirituelle. Mais, mine de rien, elle se révèle aussi fine ethnologue. Dans une société délitée où plus rien ne tient, les enfants sont devenus les seuls repères auxquels s’accrocher. Atrée pouvait cuisiner ses neveux en ragoût et Médée égorger ses fils, mais désormais, on ne plaisante plus avec sa progéniture ! Alban et Julie sont certes naïvement superstitieux et leurs tentatives désespérées pour contourner leur promesse sont hilarantes, mais ce que leurs atermoiements racontent sur la fragilité de l’époque est absolument passionnant.
Humour et tendresse
Marie Gillain et Pascal Elbé interprètent les deux quadras saisis par le démon de midi avec une virevoltante aisance. Les répliques fusent avec brio. Les deux comédiens font assaut de mauvaise foi avec une jubilation désopilante. La mise en scène de Salomé Lelouch et Ludivine de Chastenet est réglée au quart de poil ; l’écriture est efficace et l’interprétation impeccablement maîtrisée. Constance Carrelet, Nathan Martin, Tess Lauvergne et Frédéric Fix sont également épatants dans les seconds rôles de ce marivaudage moderne qui dynamite les codes du boulevard en en bouleversant les rôles. Et si l’humour, mieux encore que la fidélité, était le véritable ciment du couple ?
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