Vania / Vania, ou le démon de la destruction [critique] : le théâtre, à la vie à la mort !

© Fanchon Bilbille

Clément Poirée met en scène l’adaptation tuilée du Génie des bois et d’Oncle Vania, qu’il a brillamment composée avec Moustafa Benaïbout et Louise Coldefy. Un magnifique spectacle et des acteurs flamboyants.

A dix ans d’intervalle, Tchekhov écrit Le Génie des bois et Oncle Vania. Les deux pièces se ressemblent, mais s’achèvent différemment. La première finit bien parce qu’elle finit mal (Vania se suicide et l’amour l’emporte) ; la seconde épargne Vania, mais le condamne au repos amer qu’offre la fatigue du labeur. Comment choisir ? Clément Poirée, Moustafa Benaïbout et Louise Coldefy préfèrent ne pas… Ils inventent une mise en situation qui réunit deux auteurs, enfermés dans une maison de campagne pour y écrire le scénario du Démon de la destruction, qui fait dialoguer les deux œuvres en convoquant leurs personnages.

Théâtre augmenté

La scène d’ouverture, spirituelle et pétillante, s’amuse de la mise en abyme avec une virtuosité jubilatoire. A l’instar de tout le spectacle, elle illustre les affres et les emportements de la création. Moustafa Benaïbout et Louise Coldefy ne campent pas seulement un Tchekhov bicéphale, qui hésiterait entre pessimisme et optimisme, rire et larmes, tendresse et cruauté. Ils suggèrent surtout combien la vie oscille toujours entre ces deux pôles, jusqu’à son terme, qui éclaire a posteriori les postures et les choix.

Vie sublimée

Entre les scènes où reviennent les scénaristes farfelus, se déploient les étapes du drame qui met aux prises les personnages : le vieil Alexandre, sa femme trop belle et trop jeune, la laborieuse et ingrate Sonia, Michael, misanthrope ami des arbres, Vania noyé dans son fiel, Maria perdue dans ses livres, le malicieux Fredo et Gaufrette, naïf à la guitare. Le Génie des bois et Oncle Vania finissent par se mêler, comme se mélangent les espaces fictionnels (western et heroic fantasy), les strates du récit, l’histoire et son commentaire. Les comédiens sont éblouissants. Tout est subtil et limpide ; tout est évident et beau. L’art véritable ne résout pas les contradictions existentielles que la vie peine à admettre : il les sublime. La preuve par ce spectacle !

Vania / Vania ou le démon de la destruction au Théâtre de la Tempête jusqu'au 23 octobre 2022 : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles

Partager cet article sur :

Nos derniers articles

Maxence Gaillard s’installe brillamment au Lucernaire avec la pièce imaginée par Stéphane Landowski autour de la guerre des courants, qui marqua les débuts de la maîtrise de l’électricité.

Après le verger sous les étoiles de Fontaine-Guérin, où a été créée la trilogie à l’été 2024, le NTP propose une divine comédie avec Balzac en nocher, à l’intérieur du théâtre de La Tempête.

Victor Rossi reprend avec Matthew Luret la pièce qu’il a écrite et créée avec Antoine Demor. Un petit bijou théâtral, fin, vif et incisif, d’une grande intelligence et d’une implacable lucidité. Glaçant !

Au Théâtre Saint-Georges, Clément Viktorovitch, seul en scène, libère du temps de cerveau disponible en déjouant la confusion entre les vessies et les lanternes. Rallumons les lumières !

La newsletter

Chaque mercredi, le meilleur des sorties culturelles à Paris avec L'Officiel des spectacles !