Voyage avec un âne [critique] : le lait de la tendresse
La compagnie Les Charlatans adapte les pérégrinations cévenoles de Stevenson. Un théâtre de tréteaux sympathique et joyeux qui donne une irrésistible envie de vacances au grand air !
Le 22 septembre 1878, Stevenson part à pied du Monastier-sur-Gazeille et décide de traverser le Velay, le Gévaudan et les Cévennes, espérant oublier une récente peine de cœur et trouver la consolation dans la paix et la beauté d’une nature austère. Point de bêtes féroces sur la route, sinon celles surgies du souvenir de la révolte des Camisards, qui ensanglanta la région au début du XVIIIe siècle. La gente animale, infiniment plus aimable, est représentée par Modestine, l’ânesse fantasque que Stevenson choisit comme compagne de voyage, et sous les traits de laquelle il reconnaît, par éclairs, la cruelle maîtresse qui a meurtri son cœur.
L’esprit du théâtre forain
Christophe Paris, Clémence Penicaut, Clément Pellerin (en alternance avec Jean-Baptiste Debost), Maxime Bentegeat (en alternance avec Victor O’Byrne) interprètent les personnages, truculents et tendres, qui peuplent ce charmant périple. Les observations du naturaliste alternent avec les méditations du philosophe et les rencontres de l’anthropologue. Quelques accessoires et costumes pour camper le décor, une ambiance sonore créée en direct avec un remarquable sens de l’à-propos et une énergie vibrante : les comédiens racontent l’histoire à la manière des bateleurs d’antan, avec panache et belle humeur.
Invitation au voyage
La mise en scène de Fanette Jounieaux est vive et enlevée, simple et efficace. On passe en un clin d’œil d’une taverne à l’abbaye des Trappistes, de la maison maudite du bourreau des Réformés à la douceur d’une nuit étoilée. Le bruit des sabots de Modestine (que Clémence Penicaut interprète avec un épatant zoomorphisme !) scande allègrement cette traversée qui invite aux bienfaits de l’introspection et à ceux de la marche. Avis aux amateurs qui n’auront pas la chance d’arpenter le GR70 cet été, Les Charlatans le balisent comme si on y était ! On peut s’y rendre avec qui on voudra, en n’oubliant pas que « vivre à la belle étoile avec la femme que l'on aime est de toutes les vies la plus totale et la plus libre ».
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