Tous des oiseaux

Avis aux amateurs de blockbusters mélodramatiques : la pièce de Wajdi Mouawad, créée en novembre 2017, revient à La Colline pour d’ultimes représentations. Émotions et frissons garantis !

Eitan, jeune chercheur en génétique, tombe amoureux de Wahida, qui rédige une thèse sur Hassan Ibn Muhamed el Wazzân, diplomate et historien du début du XVIe siècle, berbère de langue arabe, capturé par des Barbaresques et livré au pape Léon X, qui le fait catéchiser et baptiser à son nom. Le syncrétisme irénique de Léon l’Africain et la fable de l’oiseau amphibie, racontée par Jalal Altawil, incarnant ce symbole de sagesse tolérante, servent de contre-modèle à la famille déchirée d’Eitan, qui préfère la crise et les cris à la paix du dialogue.

Viva la muerte

Eitan et Wahida renouvellent l’histoire de Roméo et Juliette. Mondialisation obligeant, on passe de Vérone au conflit israélo-palestinien. La partition polyglotte illustre l’internationalisation des conflits identitaires : la pièce est jouée en allemand, arabe, anglais et hébreu, par des comédiens eux-mêmes issus de cultures différentes. Même si les personnages se comprennent, ils ne parviennent pas à s’entendre : la rencontre amoureuse entre le juif et l’arabe tourne au drame. Ce qui pourrait être un melting-pot joyeux devient creuset de haines et de frustrations recuites.

Tragédie complète

Entre luttes fratricides, règlements de comptes œdipiens, déchirements idéologiques et angoisses existentielles, Wajdi Mouawad brosse un portrait épouvantable de l’actualité politique internationale. La tétanie identitaire des personnages se joue sur fond sonore d’avions de combat, de bruit d’attentats et de pleurs de violoncelle. La haine des Palestiniens est franchement assumée par le personnage du père, pendant que la grand-mère (excellente Leora Rivlin) reproche au grand-père rescapé de n’avoir pas été victime de la Shoah.

La scénographie, œuvre du toujours élégant Emmanuel Clolus, offre les conditions d’une mise en scène fluide, qui fait se succéder altercations et chicanes. Théâtre à grand spectacle, la pièce de Wajdi Mouawad est fidèle à l’impératif tragique : exciter crainte et pitié pour provoquer plaisir et édification morale.

Catherine Robert

Wajdi Mouawad est à l'affiche de Journée de noces chez les Cromagnons (texte, mise en scène - La Colline - Théâtre national) en 2025, Pelléas et Mélisande (mise en scène - Opéra Bastille) en 2025, Racine carrée du verbe être (texte, mise en scène, interprétation - La Colline - Théâtre national) en 2024 ou encore Mère (texte, mise en scène, interprétation - La Colline - Théâtre national) en 2023.

Jocelyn Lagarrigue est à l'affiche de Mort prématurée d'un chanteur populaire dans la force de l'âge (La Colline - Théâtre national) en 2019, Le Dernier Testament (Chaillot – Théâtre National de la Danse) en 2017 ou encore Les Bacchantes (Théâtre 71) en 2017.
Au cinéma, Jocelyn Lagarrigue a interprété Alexis dans Le Visage en 2017, Ma belle gosse en 2012 ou encore Ni pour ni contre en 2003.

Souheila Yacoub est à l'affiche de La Maladie de la famille M. (Théâtre de l'Épée de Bois) en 2020.
Au cinéma, Souheila Yacoub a interprété Ruby dans Les Femmes au balcon en 2024, Dune : Deuxième Partie en 2024 ou encore Avant l'effondrement en 2023.

Eleni Karaindrou  : au cinéma, Eleni Karaindrou a composé La Poussière du temps en 2008, Eleni en 2004 ou encore L'Éternité et un jour en 1997.

Victor de Oliveira est à l'affiche de Limbo (texte, interprétation - La Colline - Théâtre national) en 2025, Terrasses (interprétation - La Colline - Théâtre national) en 2024 ou encore Les Sables de l'empereur (adaptation, mise en scène - MC 93) en 2024.