Công Binh, la longue nuit indochinoise

À partir de 1937, 20 000 Vietnamiens sont recrutés de force dans l’Indochine française pour suppléer les ouvriers appelés sur le front allemand. Après Juin 40, ces Công-Binh (ouvriers-soldats) sont expédiés dans les rizières, les fabriques de poudre, les salines, les vignobles… Mal ou pas payés, brutalisés, dépourvus de droits, parqués dans des baraquements insalubres, privés d’hygiène, vêtus misérablement, sans nouvelles des leurs depuis leur arrivée en France, ces parias, auxquels la Camargue devra son riz, rejoignent pourtant la Résistance en 44 et participent à la Libération. Analphabètes, ils s’éduquent par eux-mêmes. En 1945, ils soutiennent Ho-Chi-Minh dans son combat pour l’indépendance du Vietnam. Trotskystes et staliniens cherchent à les récupérer, parfois au prix de massacres internes. Et quand enfin ils peuvent rentrer chez eux, à partir de 1952, ils sont considérés comme anciens combattants français et passent pour des traîtres. Aujourd’hui encore, leurs enfants sont montrés du doigt…

En interrogeant une vingtaine de survivants de ce pan méconnu de l’histoire coloniale française (cinq décèderont durant le montage du documentaire), Lam Lê livre, pour son huitième film, un témoignage vif, bouleversant et édifiant sur le sort réservé à ces déracinés. Incroyablement, non seulement ces victimes de l’Histoire n’expriment aucun ressentiment, mais certaines forcent l’admiration par leur humour. Prix spécial du Jury Amiens 2012 et prix du Jury Pessac 2012.