L'Esprit de la ruche

Espagne, années 40. Dans un petit village perdu de la Castille, l’évènement de la journée est la projection du film Frankenstein de James Whale. Parmi le public, la petite Ana, accompagnée de sa sœur Isabel. La fillette est marquée par le monstre incarné par Boris Karloff, dont elle cherche, menée en bateau par son aînée, l’esprit et la compagnie dans les environs du village. Dans la grande propriété où Ana et Isabel habitent, règne un calme presque inquiétant : leur mère, mélancolique, absente, écrit des lettres d’amour à un mystérieux soldat, pianote quelques airs désaccordés dans le salon, tandis que leur père est entièrement absorbé par sa ruche. Les jeux des fillettes, hantés par la mort, nous parlent en creux du cauchemar franquiste qui plonge le pays dans le chaos.

Mêlant l’univers du conte fantastique au climat mortifère de l’Espagne de Franco, le cinéaste Víctor Erice signait il y a 43 ans un film sensible et profond sur l’enfance, sa capacité à habiller de son imaginaire l’absence, les non-dits et à faire du cinéma. L’Esprit de la ruche n’a pas pris une ride.