Aux sources des « Nymphéas » : le décor impressionniste

Production d’œuvres décoratives par nature et destination, ou à titre d’expérimentation ; exploration et transformation de l’idée de « décoratif » ; rôle de cette notion ambiguë dans l’éclosion du « scandale » de l’impressionnisme : à partir de la fin des années 1850, origines du mouvement, jusqu’aux années 1920 ‐ achèvement des Nymphéas, les liens entre les impressionnistes et la décoration sont à la fois variés, féconds et centraux à bien des égards.

L'exposition propose d’explorer cette autre histoire de l’impressionnisme, et de découvrir des œuvres de Bracquemond, Boudin, Caillebotte, Cassatt, Cézanne, Degas, Manet, Monet, Morisot, Pissarro et Renoir venant du monde entier, pour certaines rarement ou jamais présentées en France. Par le biais d’une centaine de peintures, dessins et objets, l’exposition révèle comment les impressionnistes ont tracé un chemin nouveau, guidés par la conviction que, selon le mot de Renoir, l’art est avant tout fait pour « égayer les murs ».

Les impressionnistes anoblissent la décoration

À tous ceux qui se pincent le nez quand on leur dit qu’un tableau doit être décoratif, l'exposition Aux sources des «  Nymphéas  »  : le décor impressionniste est pour vous !

À travers une centaine de peintures, dessins et objets de Bracquemond, Caillebotte, Cassatt, Cézanne, Degas, Manet, Monet, Morisot, Pissarro et Renoir, le musée de l’Orangerie interroge pour la première fois les rapports ambigus entre l’impressionnisme et la décoration. Et quel meilleur endroit que l’écrin des Nymphéas de Claude Monet, art mural par excellence que le peintre lui-même désignait comme ses « Grandes Décorations », pour résoudre cette énigme fondamentale de l’esthétique ?

Du beau, partout

Pour les impressionnistes, art et décoration ne sont pas antinomiques. Murs, panneaux de porte, éventails ou céramiques, aucun support n’échappe à leurs petites taches de lumière. À l’heure de l’industrialisation, leurs « peintures idiotes » comme le dit Rimbaud repoussent les limites de l’art ornemental, alors considéré comme mineur. Leurs représentations de fleurs aux couleurs vibrantes, d’eaux scintillantes, d’arbres frémissants et de baigneuses nues apportent de la joie dans l’espace domestique. Un crime de lèse-majesté envers la peinture avec un grand « P » ?

Art intime

En quittant son chevalet pour couvrir les murs de la maison de son père, le jeune Cézanne renoue avec une des plus belles traditions de la Renaissance, alors oubliée. Monet orne de paysages une des pièces de réception du château d’un collectionneur, couvre de fleurs et de fruits les portes d’un grand salon de son marchand. On peut presque sentir la fraîcheur des Cattleya peints par Gustave Caillebotte sur quatre panneaux d'une porte de sa salle à manger, en toucher les feuilles vertes et humides. Le grand air s’invite dans les intérieurs. Bien avant l’apparition du street art, les impressionnistes font de l’œuvre d’art un objet du quotidien envahissant notre champ visuel et nous enchantant dans les situations les plus banales avec des scènes de nature d’une beauté époustouflante. Le printemps approche…

Anne-Sophie Jahn